Maman. Maman. Maman. Maman, pourquoi tu es partie, Maman ? Pourquoi tu m’as fait ça ? Maman, comment tu veux que je vive maintenant, Maman ? J’ai douze ans. Il m’a fallu trois ans pour trouver le courage d’écrire. Pour trouver le courage de t’écrire une lettre, Maman. Que des mots couchés sur du papier jaunis que tu ne liras jamais. Maman, je crois que je te déteste. Pourquoi tu es partie, hein ? T’avais pas le droit de nous laisser comme ça. Pas le droit de me laisser comme ça. Je te déteste de m’avoir abandonnée, d’être partie dans un endroit où on ne peut te retrouver. Je te déteste de ne m’avoir jamais appris la vie. De ne m’avoir jamais appris à danser, de ne jamais m’avoir raconté ton premier amour, ou de ne pas avoir été là le jour où j’ai eu mes premières règles. Tu es une lâche, maman. Tu me manques. Tu me manques depuis le début, et tu me manqueras jusqu’à la fin. Et plus tu me manques, plus je te déteste de me manquer. Et plus je me déteste d’être aussi faible. Tu n’étais pas là pour mon entrée à Poudlard, Maman. Je suis à Serdaigle. J’ai peu d’amis. Certains vieux professeurs m’ont dit que je te ressemblais. Maman. Que je te ressemblais. Tu ne peux pas imaginer comme ç’a été dur de ne pas pleurer. De ne pas me cacher pour sangloter silencieusement dans mon lit. C’est ce que j’ai fait le soir-même, en fait. Maman. Maman. Maman. Je n’aurai plus l’occasion de dire ça à quelqu’un. C’est injuste. Je n’ai rien fait de mal, et j’ai été punie. Tu ne t’imagines pas à quel point je souffre, Maman. Mais si j’ai appris une chose, depuis ta mort, c’est à souffrir en silence. Parce que souffrir devant tout le monde, et montrer sa souffrance, c’est faire souffrir les autres. Or j’ai des gens que j’aime, et je ne veux pas les faire souffrir. Je ne veux pas. Je t’en veux. De me faire souffrir. De m’avoir rendue si différente des autres. Parce que, Maman, mes amis, on les compte sur les doigt d’une seule main. Je te déteste. Je t’aime. Tu me manques.
Ton rayon de Lune. Ton bébé. Ta fille. Luna. »
Lettre Deux :
« Ma Maman.
Ma chère petite maman d’amour. Des amis. Des amis, Maman ! Je me suis fait des amis ! Tous aussi différents les uns que les autres. Ginerva, pour commencer. Elle est géniale, maman. Rousse à souhait. Un vraie petite Weasley. Elle est gentille, et tellement douée ! Il y a aussi Harry. Oui oui, Harry Potter est mon ami. Il est… Un peu autoritaire, mais adorable. Ronald est sympa, aussi. Ronald Weasley, le grand frère de Ginny. Il y a aussi Fred et George, leurs aînés, qui sont… Géniaux. Farceurs, et drôles, avec eux, on ne s’ennuie pas. Et puis, il y a Neville. Il est maladroit, il est hésitant, mais tellement… Généreux, et gentil, Maman. Je sais qu’on va être amis encore longtemps. On a reformé l’armée de Dumbeldor, Maman. Les temps sont dangereux. Mais ça m’est égal. En dehors de cette armée, j’ai aussi des amis, tu sais. Oh, ils te plairaient. Il y a Cedric. Cedric, c’est… Il est vieux. Oh, ne rigole pas, il a deux ans de plus que moi. C’est le meilleur ami que j’ai jamais eu, je crois. Et puis il y a Lyle. Lyle, tu ne le connais pas. Lyle, c'est... Je n'ose même pas inventer de mot pour le décrire, c'est absolument impossible. Si seulement tu pouvais le connaître, Maman ! Il est... Il est drôle. Il est généreux. Il est intelligent. Et c'est mon ami, maman. Un vrai ami. Un qu'on garde toute sa vie. Un qui vous console, et avec qui vous apprenez la vie. Un qu'on aime, mais on ne lui dit pas, ce serait trop bizarre, et ça pourrait être mal interprété. Il est génial Maman. Tu l'aurais adoré. Lyle se serait cogné la tête en entrant à la maison, parce qu'il est très grand, et que la porte est petite. Il se serait assis sur le tabouret qui n'est pas cassé, et il aurait ri avec nous, en buvant un thé, s'il était venu à la maison pour te rencontrer. Tu me manques maman. Si seulement tu pouvais le connaître. Oh, imagine, Maman, si je les invitais à la maison ! Tu leur ferais des biscuits, et… Non. Oublie, Maman. C’est une mauvaise idée, tout comptes faits. Tu ne fais pas de biscuits, là où tu es, hein ? Je suis sûre. Fais attention, Maman, tu vas perdre la main. Toutes tes merveilleuses recettes sont toujours dans ton cahier bleu, tu sais ? Oh. Si tu savais, Maman ! Le bleu, le bleu ! Avec Lyle, on adore le bleu. Il faut croire que nous ne sommes pas à Serdaigle pour rien !
Je ne parle jamais de toi, tu sais. Je n’ose pas. De peur de m’écrouler en larmes devant tout le monde, et je ne veux pas. Non pas que je me soucis de l’avis des autres, mais... Mais ils verront mes faiblesses, maman. Et je ne veux pas.
Je t’aime maman. Tu me manques. Si seulement tu pouvais les connaître. Lyle, Cedric, les autres aussi... Si seulement.
Ta Luna. »
Lettre Trois :
« Il faut croire que ça devient une habitude, chez les gens que j’aime. Non. Pas de ‘Cher Lyle’ Désolée. J’en ai marre d’être polie. Reviens Lyle. Reviens. Six ans, tous les deux, tous les jours. Reviens. Je t’en prie. J’ai peur sans toi. Tu ne t’imagine pas comme c’est vide sans toi. Poudlard est vide. Le dortoir est vide. Le bleu lui-même est terne, Lyle. C’est... c’est un cauchemar. C’est pire meme. Mais, Lyle. Je n’arrive pas à me réveiller. Aide-moi. Aide-moi, je t’en supplie. Je... J’en souffre trop, Lyle. J’en peux plus. Ça a commence avec ma mere. J’avais neuf ans. Et je n’avais pas le droit de pleurer, Lyle. Pas le droit. Pour mon père, je ne pouvais pas me laisser aller à mon chagrin. Neuf ans. J’étais une gamine terrorisée par la vie, qui n’avait qu’un père en miette pour l’aider à avancer. Puis j’ai perdu le peu du père qui me restait, je devais avoir treize ou quatorze ans. Je sais. Je sais qu’il n’est pas mort, Lyle. Mais il n’est pas vivant pour autant. Mon père est aujourd’hui le fantôme de ce qu’il était. Et maintenant toi, Lyle, mais... Stop ! Arrêtez ! À tous mourir, vous allez me tuer ! Et j’ai le regret de t’annoncer que je ne veux pas mourir. Alors reviens ! S’il te plait. Lyle. J’ai besoin de toi. Je t’aime. T’as pas le droit de m’abandonner comme ça. Je... Je défaille. Je vois trouble. Je déabmbule sans but précis. Lyle, je... Demain. Je ne veux pas être demain Lyle. Je ne veux pas t’enterrer, parce que ce serait renoncer. Renoncer à toi. Or je ne veux pas. Tu ne le sais pas, puisqu’à part mon père, ma grand-mère, et Andrew, personne ne le sait, mais je ne suis pas allée sur la tombe de ma mere depuis son enterrement. Jamais. Pas une seule fois. La plupart des gens pleurent au cimetière. La plupart des gens s’arrête devant une dalle de marbre et parlent tout seul. Je ne suis pas comme ça. J’écris. Lyle, je... Pourquoi je n’arrête pas de pleurer ? Pourquoi mes larmes ne se tarissent pas, Lyle ? Je suis seule. La sale commune est vide, et froide. Je ne m’y sens pas chez moi. Ne me laisse pas comme ça, Lyle. Reviens, et prepare du thé. Du thé au caramel, comme tu l’aime. Et on pourra se raconter des choses qu’on sait déjà l’un sur l’autre toute la nuit, comme ça ! Juste pour le plaisir d’écouter l’autre parler. Tu ne voudrais pas ? Du thé, un feu dans la grande cheminée, et une nuit de souvenirs plus amusants les uns que les autres. Dis oui, je t’en prie. Je sais très bien que cette lettre est la première d’une longue lignée. Je pourrais presque faire un recueil, je crois. Tu me manques. Tu me manques terriblement. J’ai peur. J’ai froid. Je me sens seule, Lyle. Tu as laissé ton écharpe. L’écharpe rouge que tu portais tout le temps. Tu l’avais laissée sous ton couvre-lit. Elle n’était pas dans la malle qu’ils ont pris. Alors je l’ai gardé. Inconsciement, je suppose que tu me l’as laissée. Je sais, c’est faux, je suis complètement folle. Et je n’avais pas à aller regarder sous ton couvre-lit. Mais... Mais rien. Je l’ai gardée précieusement. Tu as la place d’honneur, Lyle. Ta photo est juste à côté de celle de ma mère. Tu aurais adore ma mère, tu sais. Elle était... Aussi merveilleuse que toi.
Reviens. Je t’aime mon BlueFriend.
Tendrement,
Luna. »
Lettre Quatre :
« Maman.
Ça y est. Je suis seule. Je ne sais quelle divinité s’est acharnée sur mon sort, mais je suis seule. Je n’ai plus ni mes parents, ni Lyle, ni Cedric. Il me reste Mary, oui, mais... Mais elle est à la Colonie, et je la vois de moins en moins. Maman, j’ai l’impression que... Que le monde se désagrège, et moi avec. Maman, je... Suis creuse. J’ai l’impression de... C’est dur à décrire. D’être en putrefaction de l’intérieur, maman. Lyle s’est suicidé. Il s’est donné la mort. Et je ne cesse de me dire que si j’avais été plus là pour lui, peut-être que... Je ne sais pas. Peut-être que je pourais encore le serer dans mes bras. Peut-être que je pourrais encore le regarder sourire, avec son écharpe rouge autour du cou. Il me manqué terriblement. Je... Ne suis plus la Luna que j’étais. La Luna que tu as connue est morte elle aussi. J’ignore si c’est avec toi, avec Papa, ou avec Lyle qu’elle est morte, mais s’en est fini d’elle. Navrée. Mais comme je te l’ai dit plus haut, j’ai aussi perdu Cedric. Sans doute la personne la plus... Importante. On était si proches, Maman ! Si proches... Trop proches. Maman, j’ignore comment c’est possible, mais... J’ai développé avec Cedric un lien d’empathie. Un rien au début. Mais ça a pris de telles proportions, maman... Même moi, ça me terrorise. On se tuaient mutuellement. Quand un souffrait, l’autre aussi, sans pour autant soulager le premier. Et Cedric a été revendiqué par un dieu. Un dieu ! Cedric Jean Amos Diggory Lawfull est le fils de Mars, maman. C’est là que les choses ont dérapées. C’était devenu vital et mortel de rester ensemble. C’est si dur à expliquer. J’avais besoin de lui, mais... Mais sa présence me détruisait. Alors je passe mon temps dans mes papiers. Entre deux lettres qui te sont destinées, Lyle en a trois ou quatre. Je n’arrête pas d’écrire. Les autres m’évitent, et je les comprend. Je suis maigre à faire peur, tu sais. Je ne mange pratiquement plus. Je navigue entre le dortoir, la salle commune et la foret interdite. Je sais, Maman “Oh, ce n’est pas bien !” mais... C’est un des rares endroits où je peux réfléchir. J’ai mal maman. Tellement mal, tu ne t’imagines pas. Un élève m’a demandé si je me droguais un jour. Parce que j’avais les yeux injectés de sang, et que je tenais à peine debout. Oh, encore une chose que je ne fais plus : Dormir. Aucun intérêt, de toute façon. Passer du temps à dormir, c’est ne pas passer du temps à écrire. Et la promesse de faire des cauchemars. Ou pire. Des rêves où vous êtes tous là. Toi, Lyle, Cedric, Ginny, Mary, tous. Ceux-là sont les plus douloureux. Enfin, pas sur le moment, non. Au réveille seulement. Ça me tue. Je me tue. C’est un suicide lent. Mais je n’ai absolument aucune envie de mourir. Je ne veux pas. Je veux vivre ! Je veux être heureuse. Je veux changer le monde, et je veux trouver l’amour. Qu’est ce qui m’arrive, alors ? Explique-moi, Maman. Je suis perdue. J’y comprend plus rien. J’ai besoin d’aide. Mais personne ne peut m’aider, je crois. Alors j’écris. J’écris aux gens que j’aime. Ceux qui sont morts. Et je me trouve ridicule. Si seulement la vi pouvait ressembler à un film moldu, Maman. Si on pouvait remonter le temps pour rester heureux toute sa vie... Si. On pourait refaire le monde avec des si. Mais je suis comme toi. J’aime le conditionnel à petites doses. Je t’aime maman.
Tendrement,
Ta Luna. »
Lettre Cinq :
« Lyle,
Mon cher Lyle. Mon ami. La vie est surprenante, tu ne trouves pas ? Elle est rapide. Comme un flash d’appareil photo. Et si vite éteinte… Lyle, je… Je veux m’excuser. Je suppose que je suis la pire amie qu’on puisse avoir. Je.. Suis trop égoïste. J’ignore si tu pourras me pardonner, mais je te dois des excuses. Je… Si tu savais comme ça ma déchirée ! J’avais Cedric, d’un côté, et toi de l’autre, et ce lien d’empathie qui se développait, Je… Vous m’avez involontairement forcée à choisir, Lyle. C’était horrible. Je… Aujourd’hui je vous ai perdu tous les deux. Je ne sais pas quoi faire. Pas quoi dire pour arranger les choses. Je devrais tourner la page, mais je ne peux pas. Avec vous deux, c’est un morceau de moi qui est parti. Je culpabilise tellement que ça me tue, je crois. Tu… J’ai besoin de toi, Lyle. Redonne-moi un peu d’espoir, s’il te plaît, mon Lyle. Mon BlueFriend. J’ai envie de vivre encore un peu. D’être encore un peu heureuse, même si c’est très égoïste. Je sais que tu m’en veux. Et tu as on ne peut plus raison, Lyle. J’espère seulement que tu m’aimes encore un peu. Un tout petit peu. Parce que moi je t’aime Lyle. Tu te souviens, quand on a repeint le dortoir, Mary, toi et moi ? C’était génial. Ça me manque les moments comme ça. De complicité, d’amitié tellement pure qu’on pourrait la diluer. Avec toi la bulle dans laquelle je vivais a éclaté. Sans mauvais jeu de mot. J’ai une trouille bleue de la vie. Lyle, je… Les larmes brouillent mes mots sur le parchemin. Et je ne sais plus que écrire que tu ne liras jamais, mais j’écris quand même. Parce que je ne veux pas arrêter. Ni renoncer. Ni perdre espoir. Je ne veux pas abandonner, même si c’est d’avance un échec total et inéducable. Je refuse. Tu entends ? Je refuse de ne pas avancer mon pion sur l’échiquier. Tu sais où je suis là ? Devine. Je suis sur le toit de la serre de Poudlard. Arrête de rire, je suis vraiment sur le toit de la serre. D’ailleurs, j’ai froid. Mais ça m’est égal. Je ne vais pas m’arrêter d’écrire pour autant. C’est le seul moment où je respire correctement. Quand j’écris. La plupart du temps, c’est à toi. Ou à ma mère. Mais tu t’en moques. Ça n’a aucune importance, n’est-ce pas ? Ecrire à des morts, c’est dérisoire. Inutile, et tout bonnement ridicule. Mais je m’en fous, tu sais. Je m’en contrefous. Je suis égoïste à ce point, Lyle ? Est-ce que je suis égoïste au point de ne pas te laisser tranquille, même après ta mort ? Oh Lyle, j’ai honte, tellement honte. Mais j’ai besoin d’écrire. Pas seulement envie, besoin. C’est si… vitale !
Tu sais, j’y suis allée, finalement, à ton enterrement. J’y suis allée habillée avec ma robe jaune. Celle trop grande qui était à ma mère. Elle l’avait achetée dans une petite boutique moldue, je me rappelle, je l’avais aidé à choisir. Elle lui allait bien. Bien mieux qu’à moi. J’avais mon manteau bleu. Le bleu parfait. Le magnifique bleu serdaigle. Notre bleu. J’ai couvert ton cercueil de violettes. Ce qu’a dit Kayla était très juste. Nous n’avons rien fait. Rien fait pour toi. Pour t’en empêcher. Lyle. C’est ma faute.Je suis tellement désolée. Je ne voulais pas… Je ne voulais pas. Je t’aime Lyle. Pardonne-moi.
Tendrement,
Luna. »
Lettre Six :
« À vous qui m’avez quittés. À Lyle. À ma Maman. À vous que j’aime tant. À vous qui ne lirez jamais ça.
Je vous aime. C’est idiot, mais je vous aime. Je vous aime tellement, si vous saviez. Des fois, j’ai envie de vous rejoindre, vous savez. Non, arrêtez de penser que je vais mal. Que je ne dois pas faire de bêtise irréparable. Je le sais pertinemment. Je ne vais pas me donner la mort. Ne vous en faites pas. Je veux juste dire… Pourquoi on a été séparés ? J’espère que vous vous connaissez, maintenant. Lyle, ma mère est… je suis certaine qu’elle t’adore. Ou qu’elle va t’adorer. Et je suis certaine qu’aujourd’hui vous êtes tous les deux aux Champs Elysées. Mais j’ai malheureusement l’intime certitude que je ne vais pas vous y rejoindre. Non. Je sais que vous protestez, arrêtez. Ce n’est que mon avis. Et je suis trop têtue pour que vous le changiez, même depuis les Enfers.
Vous savez quoi ? Mary a fait un feu de camp sur la plage de la Colonie, spécialement pour Halloween. Elle a invité tout le monde. Sorciers, romains, grecs, tous ! Oh, Lyle, tu aurais adoré, j’en suis certaine. En plus, c’était costumé ! Je t’ai imaginé dansant comme un fou en licorne dès l’instant où je suis arrivée. J’étais en Louis XIV. Je suis sûre que tu m’aurais forcée à aller changer de costume. Et c’est ce que j’ai fait, sur les conseils d’un fils d’Aphrodite charmant, qui m’a suggéré Raiponce. Or comme tu le sais, Maman, je n’y connais rien aux contes moldus. J’ai troqué ma perruque et mes superpositions de tissus lourds contre un chemisier blanc et ample, et un bustier bleu, avec une jupe d’un marine parfait. J’étais tellement ignorante, j’avais peur de me tromper. Lyle, tu aurais su m’aider, je suis sûre. Enfin, si tu n’avais pas trop été occupé par la piste de danse, je présume. J’ai passé une bonne soirée, vous savez. Ça m’avait manqué de m’amuser comme ça, de me goinfrer de sucreries et de danser. Oh comme j’aurais aimé partager ça avec toi, Lyle. Ç’aurait été tellement plus mémorable ! Tu m’aurais appris à danser comme toi, et… Et j’aurais eu le plaisir de le raconter à ma mère ensuite. Oh, comme vous pouvez me manquer tous les deux ! Je vous aime tant, si seulement vous pouviez vous en douter. Je viens juste de me réveiller, en fait. Je suis même encore dans mon lit. Le tien est vide, Lyle. Chaque matin, tant soit est que j’ai passé la nuit au dortoir, ne pas te voir est douloureux. Je n’ai pas fait de cauchemar cette nuit. J’ai seulement dormi. D’un sommeil reposant. Réparateur. Ça faisait des mois ! Des mois entiers que ce n’était pas arrivé ! J’ignore ce que contenaient les bonbons précisément, hier soir, mais ça a eu un effet du tonnère. J’ai presque envie d’aller… Je ne sais pas. Aller me balader. Marcher, seulement ça. Profiter des derniers instants des températures douces qui ne vont pas tarder à laisser place à l’hiver. L’automne est magnifique, cette année. C’est si coloré. Du vert, du rouge, du jaune, du brun partout. Maman, je suis certaine que tu adorerais. Je craint la venue des vacances pour les fêtes de fin d’année, vous savez. Je ne veux pas rentrer à la maison. Je ne pourrais pas aller passer Noël avec Mary et Kayla, à la Colonie ? Ou rester à Poudlard avec Neville ? Je veux même aller au Camp romain pour fêter ça avec Cedric, mais pas la maison vide. Pitié. Vous me manquez. C’est creux sans vous. Terriblement creux. Je vous aime.
Tendrement,
Votre Luna. »
Lettre Sept :
« Lyle,
Tu sais, les fêtes approchent. Oui, elles approchent à grands pas. J’ai sorti mon écharpe bleue, ça y est. Mais elle est toujours restée sur mon couvre-lit. Je ne l’ai pas portée. C’est idiot, mais je porte la tienne, en tout égoïsme. Car elle revient à Cedric, Kayla ou Mary, mais sûrement pas à moi. Je le sais bien. Cela fait plusieurs jours que je ne t’ai pas écrit. Non pas que je n’en ai pas ressenti le besoin ou l’envie, bien au contraire, seulement… J’avais peur. Peur de ce que je pouvais t’écrire. Lyle, je… J’ai fait une bêtise. Tu me tuerais si tu pouvais, je le sais. Lyle, je ne sais pas ce qui m’a pris. Je suis désolée. Je ne voulais pas faire ça. J’ignore pourquoi je l’ai fait. J’ignore ce qui m’est arrivé. J’étais triste. Seule. Et sans importance pour personne. J’avais peur. Mal. Tellement peur. Tellement mal. Depuis le toit de la serre, je… Me suis laissée glisser. Me suis laissée tomber. Pour me sentir vivante au moins le temps de la chute, je suppose. Je ne sais pas. J’en suis à un point où je doute de tout ce que j’ai appris. De tout ce que j’ai vécu. De tout ce que je ressent. On m’a ramassée en bas, sur une pierre, on m’a dit. Et après des heures à me faire ensorceler, je me suis réveillée à l’infirmerie, le bras gauche en écharpe, un mal de crâne affreux, la bouche pâteuse, et… Je me sentais morte de l’intérieur. Je sentais mes pieds meurtris, même s’ils ne présentaient aucune entaille. Je souffrais tellement. Alors j’ai pensé à toi. Je ne sais pas pourquoi. Je suis certaine que tu m’en veux. Mon but n’était pas de me suicider, je te le jure. Je voulais seulement… Rien ! je veux uniquement des choses impossibles. Je veux ma maman. Je veux retrouver mon meilleur ami, le légendaire sorcier et fils de Mars. Je te veux toi aussi. Parce que vous m’avez tous laissée. Involontairement, je le sais bien, mais les faits sont là. Vous êtes partis. De façons plus ou moins définitives, mais je vous ai perdus. Le plus dur après ma chute, ç’a été l’infirmerie. Morte. Vide. Silencieuse. Personne n’est venu me voir. Absolument personne. Et ces draps d’un blanc sale, ils me crevaient les yeux ! Je cherchais du bleu, mais il n’y en avai pas. Je cherchais de la vie, mais il n’y en avait pas. Je cherchais de la compagnie, mais je n’en avais pas. Je n’avais personne à qui parler. Personne sur qui pleurer. Personne sur qui mon regard pouvait se poser. Je n’ai jamais été aussi seule. Un jour, un autre sorcier est arrivé, avec un ami qui lui tenait la main. Son front saignait un peu. Des deuxièmes années, je crois. J’avais le bras droit secoués de spasmes. Normal, d’après madame Pomfresh. La cicatrisation des lésions à l’intérieur de mon bras, amplifiée par un sort. L’ami du blessé s’est approché de moi. « Tu es autiste ? » qu’il a demandé. Autiste. Merde. Autiste ! Plus j’y réfléchis, pourtant, et plus ça me paraît proche de la vérité.
J’ai une de ces trouilles. Une peur bleue. J’ai peur de vivre, je crois. Lyle, tout était tellement plus simple avant ! Souvent, je me prend à espérer que ce n’est qu’un mauvais rêve. Qu’un rêve a forcément une fin. Que je vais ouvrir les yeux un matin, et ma mère viendra me prendre dans ses bras, et tu viendrais manger à la maison. C’est horrible Lyle. La vie est une vraie garce de nous laisser nous faire tant d’illusions sur elle. Tu me manques. Tu me manques tellement. Je t’aime.
Tendrement
Ton éternelle Luna. »
Lettre huit :
« Cher Lyle,
Tu veux bien me prendre dans tes bras ? C’est Noël. C’est ce que font les gens qui s’aiment à Noël. Non ? J’avais envie de te faire un cadeau. Un tout petit truc, sans importance, tu sais. Mais on a dû évacuer Poudlard pour le Camp de Jupiter, et… toutes mes affaires sont restées au dortoir. Tout sauf mon éternelle plume, mon encrier, et mon antique cahier à spirales. Alors je t’ai écrit ! Comme toujours. Des bêtises, bien sûr. En musique, seulement, cette fois. Oui, je sais, c’est ridicule. Mais ça m’a occupée, et puis… J’avais envie. Lyle, je débloque. J’ai écris une CHASON, Lyle ! Je ne connais rien à la musique. Je ne sais pas chanter. Je ne sais pas danser. Enfin, pas de faon socialement appropriée, en tout cas. Ce que tu me manques ! Tu aurais pu m’aider à gribouiller ces idioties sur du papier froissé. On aurait chanté. On aurait ri, ça nous aurait occupé au moins toute une nuit ! ça aurait été absolument génial. Je ne vais pas me répéter. Je me le suis promis en sortant ma plume. Tu sais que personne ne sait que je t’écris ? Je m’efforce de le cacher à tout le monde. Pour ne pas passer pour plus folle que je ne suis. Même Cedric l’ignore. Ça le briserait de savoir que je t’écris comme si tu vivais toujours. Comme si tu pouvais lire mes lettres. Comme si tu pouvais y répondre. Lyle ! Je n’en reviens pas. Lyle, il neige ! De petits flocons trop fins pour tenir au sol, certes, mais de la neige, Lyle. Ca m’avait manqué. L’hiver m’avait manqué. J’ai envie de faire de la luge, ces temps-ci. C’est fictrement ridicule. J’ai envie de faire de la luge, un bonhomme de neige grand comme moi, et j’ai envie de rire aux éclats. Viens ! Viens rire avec moi, Lyle ! Viens danser, et imiter de façon tout à fait grotesque nos professeurs avec moi. J’entend déjà Cedric qui revient de la douche. Heureuse. Il faut que je sois heureuse. Qu’il ne sache pas. Ma plume court sur le papier, c’est fou. T’écrire est devenu une véritable addiction. Et si tu venais décorer le sapin avec nous ? enfin, sapin. Une branche d’arbre dans un vase, posé sur une table minuscule. Rien à voir avec celui de la Grande Salle qu’on avait tous les ans. Et toujours décoré en bronze, argent et bleu. Tous les ans les couleurs de Serdaigle sur un arbre haut d’une dizaine de mètres. C’était tellement fabuleux ! Comme je suis nostalgique de cette époque, Lyle. Je n’aime pas le camp Romain. Il fait toujours froid. C’est à la fois sécurisant et angoissant d’être là. Il fait tellement sombre, et c’est tellement… chargé en émotions ! Et je ne dis pas ça parce que j’en ai le double avec celles de Cedric. Je ne sais pas si ta présence m’aiderait à passer cette mauvaise période. Probablement. Je n’ai toujours rien dit à Cedric pour ma chute de la serre. Les échimoses commencent à s’estomper, de toute façon. Je n’ai plus de douleurs dans les bras, ni dans les jambes. Je sais bien qu’il faudra lui dire, mais je ne m’en sens pas la force. Il arrive. Il faut définitivement que je pose ma plume et que je cache mon carnet. Mais je le fais tellement à contre cœur ! Il est temps. Je t’aime, tu me manques. Tendrement Ta Luna »
Lettre neuf :
« Lâchez-moi.
Laissez-moi tomber. Vous. Toutes ces choses qui me rattachent à la vie. Je ne veux plus de vous. Je ne veux plus de ce cœur qui bat à tout rompre, et de ces poumons qui s’emplissent d’air. Laissez-moi crever. Arrêtez tout. Elle est morte. Il est mort. Ils sont tous en danger à partir du moment où je m’attache à eux. J’en ai assez de tuer. Je ne veux plus. Je veux mourir. Laissez-moi mourir ! Je veux tout couper net. Ma vie. Ce foutu lien d’empathie. Mes veines. Je veux en finir. J’ai fait trop de mal à trop de monde. Ce fils de Jupiter étrange m’avait dit qu’en restant avec lui, je mourrais. Qu’il vienne ! Et pourvu que ce soit douloureux. Quoique. Je m’en fous. Je veux seulement mourir. Peu importe la façon, du moment que j’arrête de penser. De tuer. De souffrir et de faire souffrir. Je les déteste ! Eux, qui sont morts par ma faute ! Pourquoi ? Pourquoi m’ont-ils laissé les aimer ? Je me déteste de m’attacher si vite à des personnes si merveilleuses. Lyle. Maman. Papa. Cedric. Mary. Kayla. Annabeth. Neville. Harry. Ginny. Ils vont tous finir par perdre cette chose si précieuse qu’on appelle la vie, par ma faute. Ma [Mot cencuré] de faute. Marre. Stop. J’ai trop vu d’enterrement. De pleurs. De robes noires, de cravates et de mouchoirs. Je ne veux plus. C’est fini. Je n’aurais pas dû voir le jour. Jamais. Je suis une erreur. La plus grosse que mes parents n’aient jamais faite. Mais suis-je seulement la fille de mes parents ? Ma mère, il n’y a aucun doute. On se ressemble trop. Enfin, on se ressemblait, devrais-je dire. Mais Papa ? je n’ai rien de commun avec cet homme. Sauf peut-être la couleur de mes cheveux. Que je pourrais tout aussi bien tenir de ma mère, d’ailleurs. Lyle. On vient de l’enterrer. C’était horrible. Kayla a dit tant de choses si douloureuses. Je n’ai rien fait pour la personne qui était comme mon frère. Lyle était tout pour moi. Pendant un bon moment, il a même résumé à lui tout seul ma vie sociale. Et aujourd’hui, il est mort. Une balle dans le crâne. De sa propre main. Il est mort ! Il ne pouvait pas mourir. Il était trop jeune. Trop merveilleux pour mourir !
Il faut que je me suicide. Le plus tôt possible. Avant que le lien d’empathie qui nous uni, Cedric et moi, ne prenne plus d’importance et qu’il meurt avec moi. Car c’est absolument exclu. Je ne veux tuer personne. C’est terminé. Oui, c’est terminé. Mesdames et messieurs, vous qui lirez ceci, dans des années. Sachez que demain à l’aube, Luna Lovegood ne sera plus.
Cedric, pardonne-moi. Apprend à vivre sans cette chose qui nous unissait. Je t’aime. Je t’aime tant. Mais je n’ai plus d’autre choix. Je fais ça pour te protéger. Prend soin de toi. Vis heureux. Vis longtemps. Ne m’oublies pas trop vite.
Mary, ma Mary. La plus merveilleuse des filles de Zeus (Ne le dis pas à Thalia.) Tu es sans doute la meilleure amie que je n’aurais jamais. Merci. Merci pour toutes ces heures passées avec toi. Ne m’en veux pas. Je t’aime.
Kayla, mon poisson d’amour. Tu es si sensible. Ne te laisse pas trop atteindre. Pas par moi. Ca ne vaut pas le coup. Vis ta vie. La superbe et longue, et heureuse vie qui t’attend. Et fais-nous plein de petits poissons. Et donne-leur de jolis prénoms. Mais pas le mien, ce serait dangereux. Je t’aime.
Neville. Ah, Neville, que dire ? Je sais que tu es bien assez fort pour ne pas te laisser submerger. Il faut que tu sois plus confiant, Neville. Embrasse Trevor pour moi. Et sois heureux.
Annabeth. Tu… Annabeth, tu es tellement parfaite. Et de toute façon, tu ne me connais pas. Mais moi, je te connais, Annabeth. C’est idiot, mais il faut que tu sois là. Pour Cedric. Pour Mary. Pour Kayla. Prend sois d’eux. Prend soin de toi. Tu es un tel pilier pour tout le monde. Si tu savais comme je t’admire. Bonne chance, vivre est difficile pour les demi-dieux. Et particulièrement pour toi, qui es là pour soutenir les troupes. Sauve le monde. Tu es notre Hermione de la Colonie. Aussi exceptionnelle. Aussi généreuse. Aussi admirable. Vis longtemps.
Lyle, mon BlueFriend, mon frère, nous sommes trop semblables. Trop proches, je pense. Tu ne liras jamais ça. C’est trop tard. Mais j’en m’en fous. Il faut que je l’écrive. Lyle, Ce n’est ni pour toi, ni à cause de toi que je dois faire ça. J’aurais pu le faire pour toi. Mais j’ai été trop lente à la détente. Ne me déteste pas, je t’en prie. Je t’aime fort.
Vous savez, j’aurais aimé vivre, si j’avais eu une autre solution. J’aurais aimé tomber amoureuse. Être aimée, par le même coup. Avoir des enfants, un jour, peut-être, et leur donner vos prénoms. Je vous aime. Je vous aime tous tellement. Vous êtes tous merveilleux.
Dans le cas où j’aurais été trop lâche pour en finir enfin, tuez-moi. Dès que vous lirez ça.
Tout mon amour. L’astre de la nuit. L’élément d’Artémis. Luna. »
Lettre dix :
« Chère inconnue,
Tu a signé toutes tes lettres d’un fort joli prénom. Luna. Permet-moi d’espérer que ce n’est pas un pseudonyme. Je sais, je n’aurais pas dû trouver ces lettres. Encore moins les lire, j’en conviens, mais sache que je ne regrette pas mon geste. Je me nomme… Ca n’a aucune importance. Je n’existe pas pour toi, de toute façon. Je ne suis rien. Rien que ce que tu prendras pour le fruit de ton imagination. Jeune sorcière, tu es en bien triste posture. Coincée entre la mort elle-même et un mal-être incroyable. Il faut que tu reprennes ta vie en main, Luna, ou qui que tu sois. Vis pour toi. Je t’écris sans doute trop tard. Avec des dizaines d’années de retard, même. Mais peu importe, n’est-ce pas ? J’espère que tu vis, Luna. J’espère que tu es heureuse. Que tu as des enfants. Et trouvé l’amour de ta vie. Que tes amis sont sains et saufs. Je l’espère sincèrement. C’est drôle – enfin non, pas du tout, mais – la seule Luna dont j’ai jamais entendu parler était une grande sorcière. Luna Louvod, je crois. Je ne sais plus. C’est confus dans ma mémoire. Lovegood peut-être ? Je ne sais plus. Elle a participé à la Guerre. Elle y a survécu. C’est une sorte de… Légende. Je me rappelle, quand j’étais gosse, je l’avais eu plusieurs fois sur des cartes de Chocogrenouille. Et c’est étrange, mais tout concorde avec le fait que ce soit toi. Les dates. Les noms. L’histoire. La mère de la Légendaire Luna est également morte alors que celle-ci n’était qu’une enfant. Je sais que mon bout de papier ne te parviendra jamais. Mais si tu es cette Luna-là, sache que ta bataille n’a pas été vaine. Tu as vaincu, Luna. Tu as été heureuse. Et ce lien d’empathie t’as sauvée de la mort que tu t’étais promise. Je t’aime. Pardonne-moi d’avoir fouillé dans ce grenier de cette maison poussiéreuse que mes parents ont décidé de vendre, et où je veux vivre. Ta maison, Luna. Dans presque toutes tes lettres tu demandes à Lyle, ou ta mère de revenir. C’est à moi de te demander ça, maintenant. Reviens. Je t’en prie. Tu me manques. Je n’aime plus le mardi sans toi. Mais tu as eu ton heure de gloire. Et tu as laissé la scène aux suivants. Je sais. Tu me l’as expliqué des dizaines de fois. Tu es morte un mardi de juillet. Notre jour préféré. Le jour de la tarte aux myrtilles et de la promenade dans les bois. Je ramasse les fleurs – les bleues seulement – pendant que tu salues les sombrals. Oui, un mardi de juillet. Comme l’homme dont je porte le prénom. Sauf que ce n’était pas en juillet, lui. Tu t’es assise par terre, comme tous les mardis, pieds nus, dans la forêt. Tu m’as souri, et je suis parti chercher nos fleurs. J’avais neuf ans. Quand je suis revenu, tu étais toujours là. Appuyée contre l’arbre. Un hêtre, symbole d'écriture, d'histoire et des livres. Tu avais seulement les yeux fermés. Tu souriais toujours, oui, mais la flèche dans ta poitrine et la flaque rouge qui t’entourait m’indiquaient que nous n’étions pas seuls, ce mardi-là. J’ai couru. Couru le plus vite, et le plus loin possible. Je t’ai abandonée. Pardonne-moi. Je n’aime plus le mardi du tout. Tu me manques. Je t’aime, et je t’aimerai toujours. Tendrement, pour reprendre ton expression.
Le fils de la Lune. Lyle Cedric Xenophilius Roze. Ton arrière arrière arrière petit fils. »
Lettre onze :
« Ma maman,
Je crois que je te ressemble trop. Tu étais probablement plus téméraire que papa le dis. Il a toujours tendance à arrondir les angles, tu sais bien. Je ne me souviens presque plus de toi, je crois. C’est terrible. Ma mémoire ne m’avait jamais autant fait défaut qu’à ton sujet. Je me rappelle parfaitement toutes les fois où on m’a parlé de toi, oui, mais jamais de quand toi tu me parlais de ton enfance, de ton adolescence, de mes grands-parents. Comme si on ne s’était jamais croisées et que j’avais seulement entendu parler de toi. Je me souviens vaguement d’un visage doux, fin, aux lèvres très rouges et aux cheveux très blonds. Un sourire doux. Un regard tendre. Des yeux bleus. Clairs. Et une voix cristalline qui me dis « Je t’aime. » Maman, je t’oublie ! Comment je peux faire pour te garder avec moi ? Je ne veux pas que tu partes. Que tu me quittes comme ça. Que tu désertes ma mémoire. Mais j’ai l’impression que plus le temps passe, et plus mes souvenirs s’emmagasinent, et plus mes souvenirs s’emmagasinent, plus les premiers flous passent à la trappe. Je ne veux pas ! Je ne veux pas oublier au détriment d’autres. Je refuse cela. Tu resteras avec moi, maman, c’est clair ? Je te jure de t’écrire jusqu’à ce que mes doigts ne puissent plus tenir une plume. Je te le promet, Maman. Jamais je ne t’oublierais. Jamais complètement du moins. Je t’aime.
Maman, je… Je suis passée près de toi. Près de la mort. J’ai manqué de peu de faire une énorme bêtise. Alors que je t’écris cela, je suis assise par terre, dans la forêt Interdite. La corde est toujours attachée à l’arbre et le nœud coulant toujours assez large pour que ma tête y passe. C’est penser à toi qui m’a empêchée de le faire, Maman. Je t’en ai tellement voulu d’être partie ! Je t’en veux toujours, je crois. Je ne veux pas que les gens que j’aime me détestent comme je t’ai détestée. Je ne veux pas laisser Papa seul. Tu l’as emporté avec toi quand tu es morte, Maman, et je ne veux pas lui enlever le peu de vie qu’il lui reste. Je ne veux pas abandonner Cedric qui est encore si fragile, malgré le fait qu’il le cache remarquablement bien. Je ne veux pas abandonner Mary, ni personne d’autre, même si je sais qu’ils vivront tous très bien sans moi. Je me refuse à cela. Je ne veux pas qu’on m’oublie, Maman. Je ne veux pas m’effacer petit à petit, comme tu disparais de ma mémoire, fragment par fragment. C’est hors de question. Je veux exister. Je veux rester. C’est tellement… difficile, douloureux de vivre. Mais je ne peux définitivement pas me résoudre à autre chose qu’à continuer. Je n’ai pas le choix, je crois. Je ne dois pas me laisser abattre. Maman. Un océan entier nous sépare, et j’ai senti Cedric qui me secouait, en me hurlant de ne pas faire ça. De ne pas me suicider. De ne pas le laisser seul. De ne pas l’abandonner comme tu l’avais fait avec moi. Je dois probablement devenir folle. Mais merci. Je sais, je devrais le remercier lui, plus que toi, mais c’est matériellement impossible pour l’instant. Alors c’est toi que je remercie. Parce que je prend enfin conscience que même si tu es morte, tu continue de m’aider à grandir. Tu m’apprends la vie. Je t’aime maman. Tendrement Ton bébé. »
Lettre Douze :
« Lyle,
Je sais. Des semaines. Des semaines entières que je n’ai pas écrit la moindre lettre. Enfin. J’en ai écrit des centaines. Mais pas à toi. C’est compliqué d’écrire ton nom, alors que je suis toujours avec Cedric. J’ai l’impression d’écrire dans la plus totale illégalité, en fait. C’est grisant. Tu sais, tu me manques. Terriblement. Tu imagines, du camping, tous les deux, au camp romain ? Ç’aurait été… Génial. Merveilleux. Magique. Ç’aurait été inoubliable. Je suis folle, tu sais ? Complètement timbrée. Le vœu de chasteté de Cedric m’a fait prendre conscience de ça, je crois. Tu te rends compte, Lyle ? J’écris depuis cinq ans maintenant à des gens morts ? À toi plus qu’à ma mère, j’en conviens, mais… Mais. Mais ! Je suis folle. Pourquoi suis-je incapable de faire un deuil ? Est-ce que j’aime souffrir à ce point ? J’en viens à douter de ton existence, quelques fois. Pas ton existence passée, non, mais il m’arrive, quand je me prend à rêver, seule, de tourner la tête et de te chercher du regard. Alors il me faut bien cinq minutes pour réaliser. Et dix autres pour me calmer, sécher mes larmes qui ont recommencé à couler. Puis ça va mieux. Et quelques jours, si ce n’est quelques heures plus tard, ça recommence. Je suis pathétique, hein ? D’autant plus pathétique que je t’écris cette lettre. Mais je n’arrive pas, Lyle ! C’est plus fort que moi. Ça me prend aux tripes. C’est vital de vous écrire. Comme si vous maintenir en vie me permettait de mieux encaisser. Je me fais du mal, pourtant. Mais c’est comme demander à un alcoolique d’arrêter de boire pour sa santé. C’est trop difficile. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de centre de désintoxication à l’amour, tu vois. À croire que je ne suis bonne qu’à ça, noircir du parchemin avec des idioties. Des lettres sans queue ni tête. Sans destinataire. C’est absolument, ridiculement dérisoire. J’écris. J’écris encore. Je passe mes nerfs. Je pleure. Je rêve. J’imagine. Tu vois ? Qu’est ce que je disais ? Folle. Je suis folle. Lyle, la plupart du temps, je pense à ce que tu dirais. À ce que tu ferais à ce moment-là. Mais cette fois, je n’y arrive pas. Aide-moi ! S’il te plaît. Je n’arrive plus à démêler le vrai du faux, je perd la notion du temps. Je ne me connais plus. C’est tellement effrayant, Lyle. J’ai l’impression d’être redevenue la gamine dans le dortoir, toute seule, qui pleurait toutes les nuits, complètement paumée. Cette gamine a cessé de pleurer la nuit quand TU es arrivé. Et maintenant tu t’es barré. Sans penser à moi. Sans penser à personne. Comment je fais, moi maintenant, hein ? Je suis sûre que si tu revenais, tout serait plus simple. J’ai seulement besoin d’une de ces phrases si réfléchies dont tu as le secret, qui rassurent. Tu as toujours été une sorte de… D’anesthésiant, pour moi, je crois. Tu me manques. Plus que c’est possible. Plus que ma mère, je crois, même. Je t’aime. Je t’en veux, oui, mais je ne t’en voudrais pas si je ne t’aimais pas. Je t’aime. Tendrement, Luna. »
Lettre Treize :
« Ma maman,
Je suis complètement perdue maman. Il… Lyle… Maman. Je l’ai étranglé. Tu le sais sûrement déjà, mais il est revenu. Il est revenu, Maman ! Ou suis-je folle et l’ai-je imaginé ? Non. Non, la gifle qu’il a collé à Cedric, et la plaie à la nuque m’indiquent qu’il était bien là. Il était bien là, n’est-ce pas ? Ce n’était pas un parfait inconnu et le fruit de mon imagination, dis-moi ? Pas une hallucination ? Oh, maman. J’aimerais tant aller le voir. M’excuser. Le serrer dans mes bras, et lui dire qu’il m’a manqué. Mais, Maman. Ce n’était pas Lyle. Enfin. Si. Mais ce n’était pas le Lyle que j’ai toujours connu. Il savait qui j’étais sans me reconnaître. C’est fou ce qu’on peut lire dans les yeux de quelqu’un qu’on a toujours connu. Ce qu’il me manque, Maman, c’est à peine croyable. Comment est-ce possible ? Comment est-il revenu ? Du peu que j’en sais, les morts ne reviennent pas des enfers. Et si c’est le cas, pourquoi y es-tu restée, toi ? Tu crois que j’ai plus besoin de lui que de toi, Maman ? En fait, si tu le penses, tu dois avoir raison. Lyle est… Lyle était tellement tout pour moi. C’était ma famille, maman. Et, et, et… Il m’est tombé dessus. Il m’a blessée. J’ai bien cru que j’allais y rester. Et il n’était pas lui-même, Maman. Et je l’ai étranglé. Tu te rends compte ? je lui ai sauté dessus et j’ai serré sa gorge le plus fort possible entre mes deux mains. Sans raison particulière. Et le plus bizarre, dans tout ça, c’est que le peu de temps où j’ai tenu Lyle, où je l’ai touché, je n’étais que moi-même. Mes émotions. Mes sentiments. Mes sensations. Seulement moi. C’était peut-être l’effet de l’adréaline ? L’effet de la colère – parce que j’étais en colère, terriblement en colère – tu crois ? Ou simplement l’effet Lyle Azumaya ? ça me terrorise, Maman. Il faut que j’en parle à quelqu’un – de vivant, je veux dire, ne te vexe pas. Mais Cedric est exclu. Je suis presque certaine qu’il ne sait pas que Lyle est Lyle. Qu’il ne le prend que pour un vulgaire fils de Vénus. Oh, tu te rends compte ? Un fils de Vénus ! Il se fait passer pour un fils de Vénus, Maman ! Si j’en avais été d’humeur, j’aurais ri à en pleurer. Vénus, c’était tellement loin du Lyle que je connaissais ! Tu crois que… Mary ? Kayla ? Non. Pas Kayla. Elle est bien trop sensible. Oh, je… Je ne sais pas, maman. Je suis complètement perdue. Je retire ce que j’ai dit au sujet de Lyle. Là, maintenant, c’est bien de toi dont j’ai le plus besoin. Ce n’est pas lui qui pourrait m’éclairer sur sa situation, c’est… Ça c’est une solution. Oh, merci Maman. Tu viens de me donner, sans le vouloir, une idée que je trouve encore formidable, quelques minutes de réflexions après y avoir pensé. Maman, ce n’est pas à Mary, à Kayla, ou même à Annabeth qu’il faut que je parle. C’est évident, non ? C’est à Lyle. Il faut que je lui écrive Maman. Je sais maintenant. Oh, merci. Mille mercis. J’ignore ce que je ferais sans toi. Je t’aime maman. En fait, je crois que tu es bien aux Champs Elysées, maman. On est toutes les deux bien où nous sommes. Tu me manques, mais moins qu’avant, je crois. C’est donc ça, faire son deuil ? Vivre sans quelqu’un, et s’y faire ? Accepter ? Maman, il aura fallu que mon meilleur ami meurt et revive pour que je m’en rende compte. Je t’aime tant. Tendrement, Luna.»
Lettre Quatorze :
« Mon très cher Lyle.
Oui. Très cher. Car tu es très cher à mon cœur, Lyle. Tu l’as oublié, je ne sais comment. Mais je t’aime. Je te l’accorde, te tordre le cou n’est pas la meilleure façon de te témoigner mon affection, mais… Mais je t’aime. Lyle, cette lettre n’est pas la première que je t’écris. Seulement, les précédentes, tu étais mort. Je te les ferai lire, en temps voulu, ne t’en fais pas. Alors partons du principe que cette lettre est la première. Lyle, je me présente, Luna. Ca devrait te suffire. Maintenant, Lyle, tu vas faire la connaissance de la personne avec qui pendant des années j’ai partagé un vieux dortoir. Lyle, je te présente Lyle. Et je t’écris cette lettre pour que tu apprennes à le connaître. Attention. Je ne cherche pas à ce que tu redeviennes cet ami que j’ai toujours eu. Je veux seulement t’apprendre ton histoire. Je suppose que bien des gens le feraient mieux que moi. Mais tu me vois navrée de t’annoncer que je suis la seule personne disponible – du moins à ma connaissance. J’estime que c’est un échange assez valorisant, pour toi comme pour moi. Je t’apprend tout ce que je sais de l’ancien Lyle, je t’enseigne la magie, si tu le désires – car pour te faire passer pour un fils de Vénus, je suppose que tu as perdu certaines capacités magiques, et si j’ai bonne mémoire, ta baguette était dans ton cercueil la dernière fois que j’en ai entendu parler. En contrepartie, je veux connaître ce nouveau Lyle. Oh, tu dois me prendre pour une folle à t’écrire ça, alors que tu viens de me fracasser le crâne d’un coup de pied, et que j’ai essayé de t’étrangler. Excuse-moi, d’ailleurs, Lyle. Je t’expliquerai. C’est promis. Laisse-moi seulement le temps de comprendre ce qui m’est arrivé. Commençons par des bases. Je vais te parler, tout au long de ces lettres, de Poudlard. De ton enfance – du peu que j’en sais, du moins. Mais surtout de Poudlard. Poudlard, je suppose que ça, tu le sais, est une école de sorcellerie. Les sorciers, l’année de leur onze ans, sont répartis dans quatre maisons, suivant leur caractère, leur éducation, leur histoire. Tu étais, tout comme moi, à Serdaigle. La maison Serdaigle regroupe les sorciers en général plutôt studieux. On nous qualifierait un peu de rats de bibliothèque, mais tu ne t’approchais pas de cette image. Tu as toujours été très indépendant. Et j’ai toujours été très dépendante de toi, je crois. Oh, tu l’as probablement oublié aussi, mais on a partagé le même dortoir. Le quinzième. Une anomalie du château. En y réfléchissant bien, je me demande si ce n’est pas dans une sorte de salle sur demande qu’on a dormi toutes ces années. Après tout, c’est vrai. On avait tous les deux besoin d’un refuge, non ? Oh. Pardon. Ne m’en veut pas trop. Je ne devrais pas te prendre à témoins pour des choses comme ça. Que tu as oublié. Je suis désolée, Lyle. Je ne devrais pas commencer comme cela, tout comptes faits. Lyle, j’ai bien peur de ne pas pouvoir t’aider tant que ça pour ce qui est de ton enfance. Je sais que tu es né moldu. Que tu as grandit avec Hermione. Et… Je crois bien que c’est tout. Il faut que tu ailles la voir pour en apprendre plus, je suppose. Tu n’aimais pas parler de ton enfance. Tu n’as jamais aimé ça. En fin de comptes, je crois bien que tant que tu étais sobre, tu étais relativement peu loquace. Je ne peux pas nier que Lyle me manque. Mais t’avoir retrouvé – excuse-moi encore de t’avoir étranglé – est une des plus belles choses qui me soit arrivées depuis… que je t’ai rencontré, je suppose. Je t’aime. Tendrement. Luna. »
Ajout de la lettre trois, et changement de l'image. ♥
Neville Londubat
« Sorcier »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mer 7 Nov - 13:58
C'est trop... magnifique, super, et plus encore
Invité
Invité
Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mer 7 Nov - 14:48
J'aime, j'adore, je bénis, j’idolâtre... C'est vraiment super. Et tellement triste aussi.
Octavian
« Romain »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mer 7 Nov - 14:55
Tu m'as fais pleuré, tu écris trop bien ♥
Luna Lovegood
« Sorcière »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Dim 11 Nov - 14:07
Luna Lovegood a écrit:
Luna Lovegood a écrit:
Merci ♥
Ajout de la lettre quatre. ♥
le 7 nov. à 18:33
Ajout de la lettre 5 ♥
le 8 nov. à 23:31
Ajout de la lettre six. ♥
Alexia Fernandès
« Grecque »
Messages : 3526 Humeur : D'enfers.
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Dim 11 Nov - 14:13
J'aime trop ta façon d'écrire, c'est un truc de dingue ! J'adire tes lettres ♥
Invité
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Dim 11 Nov - 19:29
C'est super triste Je n'ai rien d'autres à dire.
Invité
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Dim 11 Nov - 19:34
J'aime trop **
Luna Lovegood
« Sorcière »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mer 28 Nov - 19:38
Lettre sept ajoutée ♥
Luna Lovegood
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mar 21 Mai - 9:31
(Phoque le double post.) J'ai rien posté ici depuis des mois, mais les lettres, j'ai continué de les écrire. Vous pouvez maintenant lire les lettres huit à quatorze, que j'ai ajouté cette semaine. Si vous comprenez pas, c'est normal, faut pas s'inquiéter. Les lettres neuf et dix sont un peu à part. Je sais. Love you ♥
Aymeric Chance
« Romain »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mar 21 Mai - 11:36
Elles sont toutes magnifiques !!! J'adore la lettre écrite par son petit-fils. Lyle est comme dans ta dernière lettre en RP aussi ? Fils de Venus ?
Luna Lovegood
« Sorcière »
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Sujet: Re: Tendrement, Luna. Mar 21 Mai - 14:37
Merci :') Ouais, Lyle a perdu la mémoire, et se fait passer pour un fils de Vénus parce qu'il est revenu des Enfers.